LIMBIC est un terrain actif d'expérimentation du sonore - mais le fait que l'oeuvre se présente comme un espace et que cet espace renvoie aux codes visuels et d'interfaçage du jeu vidéo a immédiatement provoqué un champ d'actions incontrôlables - dont la plupart me resteront inconnues - mais dont il subsiste certaines traces ...
Une des dernières étapes du montage build de LIMBIC consistait à créer une cage invisible pour maintenir le visiteur dans l'espace d'expérimentation du projet et garantir à mes voisins une certaine quiétude. Habituée à gérer des concerts immersifs ou des installations utilisés par des résidents de Second Life plutôt respectueux en terme de repères psychogéographiques, il ne me semblait pas nécessaire d'en faire plus.
Or, dès le soir du vernissage les choses vont aller très vite et beaucoup plus loin que prévu.
Le camp se partage nettement en deux - gamers et non gamers.
Non gamers, ce sont les internautes traditionnels habitués à la souris et la page web, très réceptifs au concept du projet mais littéralement handicapés dès lors qu'il s'agira de se mouvoir dans Second Life.
Les gamers eux "voient" d'abord le jeu - mais lequel ? Pas forcement LIMBIC ni SL - le jeu - et ils vont pour la plupart faire des actions qui n'ont rien à voir avec l'expérience proposée :
- sortir de l'espace de confinement
- modifier l'apparence des avatars
- changer le nom de l'avatar
- se déplacer n'importe ou dans Second Life avec les avatars LIMBIC (Dieu seul saura où ils sont tous allés ...)
- créer et importer des objets
Tout cela à donné lieu a des quiproquos assez étranges.
Malgré les restrictions d'actions permises et l'utilisation de souris dédiées, la chose est claire : rien n'arrête un gamer, un hacker ...
J'ai donc pu sentir à distance à partir de mon poste d'ordinateur Parisien ce qui se passait dans la "tête" des visiteurs Luxembourgeois ... cette frénésie du sortir, ce "allers vers" compulsif, cette bougeotte ...
J'ai rapatrié des avatars par injonction de téléport. Mais le plus souvent il fallait rebooter le dispositif le matin pour reprendre la main sur les personnages. Ce qui a donné un peu de travail à l'équipe des régisseurs du Centre D'Art Casino Luxembourg (que je salue au passage).
Mystérieux aussi ces alignements d'objets rezzés par des inconnus au beau milieu du dispositif. Quelle signification au fond que tout celà ?
Je venais de terminer la lecture de "Stalker - Pique nique au bord du chemin" des frères Strougatzki.
LIMBIC devenait finalement elle aussi, une sorte de zone, parsemée d'objets mystérieux, laissés là par des visiteurs venus d'un autre espace temps ...
Avec un certain amusement on se retrouve aussi démuni et intrigué que devant une série de Crop Circles et autres agroglyphes ... les pas du Yéti géant résonnent ...
Existerait il une Zététique des mondes virtuels ? ;-)